Des abeilles pour connecter les humains

«Vous savez quels rdv un drogué ne rate jamais ? Celui avec son dealeur … et celui avec les abeilles»1. C’est par ces mots prononcé par Dean Wilson, activiste des droits civiques, surnommé le «junkie le plus célèbre du Canada», que j’ai découvert l’ONG Hives for Humanity2 et sa mission d’apiculture urbaine «thérapeutique». Au commencement de cette nouvelle année, je m’éloigne des thématiques de recherche, pour la plupart assez pessimistes, pour évoquer une belle aventure humaine dans les contrées canadiennes.

Alors que le Canada est souvent perçu comme un eldorado où il fait bon vivre, le quartier de Downtown Eastside à Vancouver, surnommé à juste titre le «quartier le plus pauvre du Canada», a mauvaise réputation à travers tout le pays. Effectivement, c’est à cet endroit que la population SDF du pays se concentre car seules les températures clémentes de Vancouver permettent de survivre à la rigueur des hivers canadiens. A la pauvreté s’ajoutent des problèmes d’addiction, de prostitution et de santé mentale. Le co-fondatrice et apicultrice de l’association Julia Commons décrit le quartier comme un lieu «peuplé de personnes imprévisibles et effrayantes, sale, surpeuplé par les rats avec un bruit constant de sirènes d’ambulances et de pompiers». Mais sa fille Sarah, travailleuse sociale voyait les choses différemment, percevant le potentiel des abeilles comme vecteur de lien social.

En 2012, elle enrôla sa mère récalcitrante a implanter une ruche dans le jardin communautaire de Downtown Eastside et a enseigner les rudiments d’apiculture à ses habitants. Effrayée à l’idée d’être agressée, Julia a finalement compris et adhéré au choix professionnel de sa fille en découvrant des gens volontaires et heureux d’apprendre. Parmi eux, Jim McLeod, en cours de désintoxication, présent dès le 1er jour et qui, à la fin de la première saison fit la demande de pouvoir revenir au printemps prochain. Demande qui somme toute peut sembler banale mais qui a poussé Sarah à pérenniser son activité en fondant l’association. En effet, quand la vie est vécue au jour le jour, avec la survie comme seul objectif, se projeter dans l’avenir n’a rien de trivial. Jim, lui a pu regagner en amour propre, fier d’annoncer qu’il travaille avec des abeilles, ce qu’il décrit comme «thérapeutique et gratifiant … avec la nécessité de garder le contrôle de soi et de travailler avec prudence et délicatesse ... et donc incompatible avec l’usage de drogues»3. Au fil des années, l’activité a grandi avec, fin 2016, plus de 200 ruches implantés dans la région de Vancouver. Elle s’est également diversifiée avec la vente des produits de la ruche, de cosmétiques, l’élevage de reine, l'animation d'ateliers, un partenariat avec l’université de Vancouver sur des thématiques d’apiculture urbaine ainsi que la construction d’un «bee space» pour centraliser ses activités et conserver le lien social au cours de l’hiver. Des témoignages similaires à celui de Jim se sont multipliés4.

En parallèle, le recrutement Cassie Plotnikoff, diplômée en horticulture, a initié une nouvelle mission complémentaire, celle du «corridor des pollinisateurs – pour connecter pollinisateurs et hommes»5. Elle vise à promouvoir par le biais de partenariats et d’ateliers, la place des pollinisateurs en ville en installant des hôtels à insectes et de plantes mellifères au sein des espaces communautaires, écoles et entreprises.

Meilleurs voeux pour l'année 2018 !

 

1 Pollinators and People in the City. 2016-03-10. SFU's Vancity Office of Community Engagement http://www.sfu.ca/video-library/video/1546/view.html.

Site internet de l'association  http://hivesforhumanity.com/visionmissionvalues/

3 Vanoucouver Sun. 2 avril 2013. Downtown Eastside beehive is buzzing about hope, redemption http://www.vancouversun.com/touch/news/metro/downtown+eastside+buzzing+about+hope+redemption/8175833/story.html

Hive for humanity. Rapport annuel de 2016.  http://hivesforhumanity.com/wp-content/uploads/2017/07/AR2016_lo_res2.pdf

Présentation du Pollinator Corridor Project https://www.youtube.com/watch?v=krsCdhGCsp0&feature=youtu.be

 

Belle histoire  du (re) tissage d’un lien impérieux pour l’humain , le lien social ( soyez rassuré je ne le lance pas dans sa ou ses définitions), et très belle année Judith  . Michel 

Asapistra avait monté un projet de rucher au Centre de détention d'Oermingen (incarcération de longue durée) à la demande du sous directeur de l'époque avec des visions occupationnelles, économiques et thérapeutiques. Cela ne s'est finalement pas fait : budget conséquent dû à l'éloignement (140km aller-retour pour les interventions), lourdeur administrative et changement de la personne porteuse du projet. Dommage. 

Ces projets ne sont plus portés que par des bonnes volontés : les institutions d' insertions, de santé et d'éducation avec la réduction de leur moyens n'en ont hélas plus la capacité.