Un exemple de recherche participative pour suivre l’expansion de la « Giant resin bee » en France
En raison de leur rôle crucial de pollinisateurs, les abeilles sont perçues comme des insectes bénéfiques et par conséquent, peu d’attention a été portée à la problématique des espèces introduites. Pourtant, en Océanie et en Amérique, plusieurs exemples d’introduction et leurs conséquences délétères sur les plantes et abeilles autochtones ont été documentés. En revanche, en Europe, seul un cas a été reporté, celui de l’abeille géante asiatique « giant resin bee » Megachile sculpturalis, originaire de l’Asie de l’Est et introduite accidentellement par l’import de bois.
Un projet de science participative a permis de mesurer l’expansion de cette espèce sur le territoire français :
- En une décennie, l’espèce s’est établie sur un tiers de l’hexagone et a pu être observée jusqu’en Autriche
- Le succès de son invasion est dû au caractère généraliste de l’espèce, notamment sa capacité à changer facilement de ressource florale et à nicher dans les cavités des arbres
- La lutte contre les espèces exotiques végétales et animales se fait main dans la main, la présence de « l’arbre à miel » Sophora japonica favorisant l’expansion de Megachile sculpturalis
- Cette étude illustre la puissance de la « science citoyenne » pour documenter les phénomènes d’invasion biologique à l’échelle de tout un territoire
M. sculpturalis est facilement reconnaissable. Son thorax est couvert de poils oranges et c’est une des plus grandes abeilles présentes en France. La femelle a une taille comprise entre 22 et 27 mm et le mâle entre 14 et 19 mm. Photographie de M. sculpturalis (a) une femelle sur un « arbre à miel » Styphnolobium japonicum (Bouillargues, 2014 © Danièle Tixier‐Inrep) ; (b) une femelle à l’entrée d’une tige de graminée (Avignon, 2015 © Daniel Mathieu); (c) un mâle buvant du nectar d’une scabieuse colombaire (Matemale, 2013 © David Genoud).
Observée dès 1994 au Sud des USA pour s’étendre au fil des décennies jusqu’au Canada, Megachile sculpturalis est détectée pour la première fois en Europe en 2008, près de Marseille.
Afin de suivre son expansion sur le territoire, un projet de recherche participative impliquant chercheurs institutionnels, organisations de la société civile et groupes de citoyens a vu le jour. Pour réunir les données existantes sur la présence de M. sculpturalis, les auteurs de cette étude ont collecté les données issues de publications scientifiques, de sites internet naturalistes (Le Monde des insectes et Photographic Survey of Flower Visitors) ainsi que de passionnés des abeilles via le forum “Apoidea-Gallica”. Bien que les données n’aient pu être collectées de manière standardisée, le réseau d’entomologistes participant à cette étude a couvert l’intégralité du territoire français, produisant ainsi des données de qualité.
Depuis sa première observation en 2008, la distribution de M. sculpturalis s’est considérablement étendue, occupant un tiers du territoire français. Des observations en Autriche, Italie, Allemagne et Suisse, confirment son établissement en Europe continentale.
Observations de M. sculpturalis sur le territoire français entre 2008 et 2016. Les couleurs indiquent la première année d’observations dans chaque localité. Les flèches noires indiquent les points les plus distants de l’observation initiale de 2008.
Le succès de son extension se situe dans sa capacité à changer facilement de ressource alimentaire ainsi que de nicher dans des cavités de tiges ou troncs d’arbres. Ce caractère a pu permettre sa diffusion par remontée de la vallée du Rhône, trains, navires et transports terrestres pouvant transporter des troncs infectés. Son introduction peut également être favorisée par l’utilisation d’hôtel à insectes ainsi que d’espèces végétales introduites telles que « l’arbre à miel » Sophora japonica, M. sculpturalis nichant préférentiellement dans ce type d’essence.
L’impact de M. sculpturalis sur la biodiversité locale reste à estimer. L’espèce entre en compétition avec d’autres insectes pour la recherche d’habitat et il peut avoir des comportements agressifs vis à vis des espèces d’abeilles autochtones. Les auteurs de cet article recommandent un suivi attentif de son expansion et de ses effets sur l’écosystème local. A cet effet, la science citoyenne peut jouer en rôle crucial dans la surveillance de l’invasion biologique. En raison de sa facilité d’identification (grande taille, présence dans de nombreux habitats), M. sculpturalis est un objet d’étude facilement accessible pour tout citoyen intéressé.
Le Féon V, Aubert M, Genoud D, Andrieu‐Ponel V, Westrich P, Geslin B. Range expansion of the Asian native giant resin bee Megachile sculpturalis (Hymenoptera, Apoidea, Megachilidae) in France. Ecol Evol. 2018;8:1534–1542. https://doi.org/10.1002/ece3.3758
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Merci Judith de cet exposé ,
Merci Judith de cet exposé , sur cette abeille et j’ai hâte de savoir quel impact elle aura sur notre écosystème. Européen. .... il faudra revoir les plantations de l’arbre à miel dans un futur proche en tout cas. .. bien à toi Michel